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Sonar, 25 ans, Belgique
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Chère amie de 23 ans de Cassis,
Par nostalgie de mon adolescence et de ses prétendus mystères à confesser en des lieux sûrs et intimes, j'ai tapé « javoue » dans google, dans l'espoir de retrouver ce fameux site qui, jadis, permettait à nos jeunes âmes d'épancher nos ardents méfaits et brûlantes culpabilités sans que nul ne fût à même de deviner la provenance desdits aveux.
Le premier message qu'il me fût donné de lire, il n'y a même pas une heure, fut le tien, qui me paru étonnamment à propos compte tenu des confessions qui me titillaient et des expressions qu'il me tardait de faire.
Tout comme toi, j'éprouve un violent amour pour un homme, en concubinage depuis moins d'une quinzaine d'année et père de deux enfants, de vingt ans mon aîné. Je n'ai que peu de considération pour sa situation familiale – il fait ses choix, il les assume - , et j'en ai encore moins pour son âge qui, à défaut de n'être qu'une donnée numérique sur une carte d'identité, n'a d'importance que dans l'idée que nos collègues, nos comparses, se font d'inconcevable de notre union. Pour autant, l'inaccessibilité fondamentale de nos relations est le fondement même de mes états d'âme, autant qu'elle facilite ma vie, autant qu'elle apaise mon cœur parfois - alors longuement - meurtri de son absence, de son évanescence, de son incoercibilité.
C'est une passion que j'ai pour lui depuis 3 ans, et dont les modalités, « l'envie irrépressible et incompréhensible que j'ai pour lui » comme tu dis, ne s'altèrent ni avec le temps, ni avec l'ennui, ni avec la distance qui nous sépare chaque fois un an durant, ni avec la nonchalance qui caractérise notre abandon, nos ébats comme notre raison.
Je suis moi-même engagé dans une relation amoureuse depuis 3 ans, qui a commencé juste un peu après l'avoir quitté pour la première fois pour de vrai pour mieux le retrouver un an plus tard, dans une bulle protégée hors du temps et de la réalité, parfaitement loin de mes aspirations élémentaires et de mes ambitions véritables, et dans laquelle je n'éprouve pas une once de culpabilité pour cet amour sauvage et insoumis qui m'attire irrémédiablement, m'indispose, m'oublie et disparaît dans le tourbillon des évidences réelles, des volontés assumées et des constructions établies.
Et pourtant chaque année j'ai le cœur broyé de le quitter encore une fois, lui échapper comme on se réveille d'un doux et intense rêve, la poitrine toute endolorie des délices immatériels dont on aurait du mieux s'abreuver, des tendres histoires fécondes dans lesquelles on aurait du plus longtemps se réconforter. J'ai le cœur piétiné, lapidé, immolé. J'ai les entrailles qui se retournent et j'ai beau oublier, j'ai beau oublier, son visage, son odeur !, me reviennent mille fois et m'évanouissent encore de leur splendeurs, de leurs voluptés, comme des drogues romantiques et exotiques qui font chavirer l'esprit et le corps dans des endroits secrets, les secrets des dieux violés au nom de la Beauté.
Voilà ce que je ressens vraiment. Je n'y peux rien, ça me désespère, même, et je ne lui demande rien. Je ne lui demanderai jamais rien. Une bribe de son parfum et l'écume de son regard embaumés dans un souvenir éternels, voilà tout ce que je veux posséder. Voilà tout. Je ne le voudrais pas au quotidien, je ne l'aimerais pas assez pour lui manquer, ce tournis ralentirait jusqu'à s'éteindre dans la routine, les lieux communs, les évidences. Je veux conserver ces moments enflammés et embellis, je veux éclore encore dans ces mensonges et dans ces précipices et le prix à payer est celui de la mémoire défaillante qui vivra de nouveau un an plus tard. Et c'est terrible, de l'oublier. C'est une terrible délivrance.
Chère amie de 23 ans de Cassis, vois-tu à quoi tu échappes, si tu n'as pas encore goûter à sa chaleur, à ses exhalaisons, à ses regards pétris de plaisir... dont tu ne te remettrais pas, ne voudrais pas te remettre... et ferais mieux de vivre pour mieux en mourir.
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